Les familles esclaves aux Antilles françaises, 1635-1848
Ariette Gautier*
Les familles antillaises ont fait l'objet d'une ample littérature, qui s'est surtout centrée sur leurs structures, et notamment sur l'existence ou non d'une spécificité «matrifocale». Les familles antillaises se caractériseraient par la multiplicité des unions, leur instabilité et au bout du compte la prééminence du rapport mère-enfant. Des démographes ont contesté ce point de vue en démontrant que les familles nucléaires étaient non seulement la majorité, mais aussi la norme pour la Guadeloupe et la Martinique (Charbit et Leridon, 1980) et dans toute la Caraïbe, même si l'on peut opposer un modèle indien, plus précoce et plus stable, à un modèle afro-américain, plus tardif et plus instable (Charbit, 1986). Cependant, si l'on ne tient pas compte de l'ensemble des ménages mais des seules familles avec enfants, il n'y avait pas de pères présents dans le tiers d'entre elles en Guadeloupe de 1954 à 1982 (Gautier, 1992) : or, le rôle du père dans la socialisation des enfants est souvent mis en avant.
Les recherches récentes s'intéressent plus au fonctionnement de ces familles qu'à leur structure. Les études sur les contes créoles (Rey- Hulman, 1998) interrogent la «face cachée» de la matrifocalité qui serait
* Université de Paris X-Nanterre.
Population, 55 (6), 2000, 975-1002